Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/417

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son père était fou entrait de plus en plus avant dans son esprit.

Mais Vincent devina cette pensée à travers les paupières closes de son fils d’adoption et dit en lui serrant le bras fortement :

— J’ai toute ma raison, regarde-moi bien. Seulement, je ne parle plus comme ceux qui vivent et qui espèrent, parce que je suis condamné à mort. Tu dois tout connaître, je n’ai rien à te cacher. J’ai vendu un jour notre tranquillité pour un espoir insensé. Je dis insensé, car c’est là qu’est ma folie. Ma folie durait depuis six ans. Hier, je me suis éveillé de cette démence, ou du moins, j’ai vu qu’elle était en moi, ce qui est presque revenir à la sagesse. Sois tranquille, je ne te cacherai rien. Tu sauras tout, mais auparavant, réglons nos affaires.

Il prit dans la poche de sa redingote un portefeuille, d’où il retira plusieurs billets de banque, qu’il remit à Reynier, en ajoutant :

— Tu auras besoin de cela pour elle, pour toi, peut-être pour moi.

Reynier attendait. Au bout d’une longue minute, pendant laquelle Vincent avait paru se recueillir, il demanda :

— Tu l’aimes bien, n’est-ce pas ?

— Si je l’aime !… s’écria le jeune peintre, dont l’âme entière éclata dans ses yeux.