Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/418

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Vincent l’interrompit du geste et fit cette autre question :

— As-tu quelquefois vu le colonel Bozzo-Corona ?

— Jamais, répondit Reynier.

— Tu le verras, prononça tout bas l’architecte, et tu le reconnaîtras. Ne me regarde pas ainsi : j’ai ma raison. Il faut bien que la parole soit étrange quand il s’agit de faits inouïs. J’ai été poussé par une fatalité. Chaque fois que je voulais me distraire ou que j’essayais d’oublier, le hasard plaçait devant mes yeux un memento solennel. Tu as servi la destinée, toi aussi en copiant ce tableau dans la galerie du comte Biffi ; tu l’as servie encore et davantage en me racontant l’histoire de la nuit, passée dans la campagne de Sartène. Te souviens-tu comme j’écoutais ? La légende est diabolique, mais vraie.

Il y a un homme éternel qui ressuscite dans le sang comme le phénix revit dans l’incendie. Tu reconnaîtras le colonel, quoique tu ne l’aies jamais vu.

— Père, dit Reynier, je crois que vous avez toute votre raison ; mais pourquoi me parler en énigmes ?

Les yeux de Vincent erraient dans le vague.

— Mon chien César est mort, murmura-t-il. La balle est entrée au centre de la patère et s’est fichée dans le bâton qu’elle a fendu. Tiens-toi prêt à partir au premier signe. J’irai loin, le plus loin possible. Tu m’amèneras Irène. Je te confie Irène. Quand je vous