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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/233

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Le colonel approuvait, secouant sa vénérable tête blanche. C’était plausible, et rien dans cette paternelle violence qu’on lui faisait n’excitait la défiance de Fanchette. M. Lecoq touchait déjà le seuil, quand il la sentit tressaillir. Il voulut passer outre, mais les deux mains de l’enfant, qui tout à coup reprenait sa précoce énergie, s’accrochèrent au montant de la porte.

« Il remue ! cria-t-elle, folle qu’elle était de joie ; il remue ! il n’est plus mort ! je savais bien que j’allais l’éveiller ! »

M. Lecoq se retourna. Il déposa Fanchette assez brutalement, sur le carreau et croisa ses bras sur sa poitrine en regardant le colonel.

« Voilà de la jolie besogne, » dit-il.

André s’agitait sur sa couche. Les deux empreintes laissées par les doigts de Fanchette tranchaient maintenant en pâleur au milieu de sa joue, où remontait un peu de sang. Le colonel piqua M. Lecoq d’un seul coup d’œil qui valait de longues phrases ; puis, appelant sur sa physionomie docile un air de profond contentement, il s’écria :

« Un médecin, L’Amitié, sur-le-champ ! Vos jambes à votre cou, s’il vous plaît ! L’enfance a de ces inspirations ! Notre petite Fanchette a produit un miracle ! »

Fanchette riait et pleurait.

« Va-t-il parler ? » demandait-elle.

Puis elle répétait dans son triomphe délirant :

« Je savais bien ! Je savais bien ! »

Elle s’enfuit tout à coup comme un trait.

« Suis-la ! ordonna le colonel.

— Qu’elle aille au diable ! gronda Lecoq. Où tout cela va-t-il nous mener ? »

Les yeux d’André Maynotte essayaient de s’ouvrir. Le colonel mit un doigt sur sa bouche et s’approcha du lit.