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Thérèse et soigné par le célèbre docteur qui guérissait M. de Villèle. Fanchette le veilla pendant trois jours comme une grande personne. Pendant ces trois jours, elle ne joua pas une seule fois et ne dit pas à L’Amitié une seule injure.

Ce fut seulement le soir du troisième jour qu’André Maynotte recouvra la parole. Il avait été en sérieux danger de mort. À son chevet était assis un vieillard à physionomie austère et patriarcale. Sur les genoux du vieillard s’appuyait une pâle tête d’enfant, bizarrement belle avec sa forêt de cheveux touffus et ses yeux trop grands.

Il voulut ouvrir la bouche, l’enfant la ferma de sa petite main et lui dit :

« Pas encore. »

Le docteur vint. Il se rendait aux Tuileries et portait ses croix. André crut rêver.

Il rêvait, en effet, car la conscience de son malheur n’était pas en lui. Un voile restait sur sa mémoire.

Le lendemain matin, André pleura. On fut obligé d’emmener Fanchette, qui pleurait plus haut que lui. Le vieillard à mine de patriarche dit avec une grande simplicité :

« Mon fils, vous êtes ici chez de bonnes gens. Voilà trois fois vingt-quatre heures que vous avez été recueilli, évanoui, dans l’église Saint-Roch. Nous avons fait de notre mieux. »

André fut deux semaines avant de se lever. Son hôte lui inspirait une reconnaissance mêlée de vénération, et les gaietés de Fanchette amenaient parfois un sourire jusqu’à ses lèvres. Fanchette et lui avaient ensemble de longs entretiens ; il semblait qu’un commun souvenir fût entre eux, mais Fanchette, malgré son âge, savait garder un secret.