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Pendant son séjour à l’hôtel de la rue Thérèse, André ne vit pas M. Lecoq une seule fois. Celui-ci venait pourtant chaque matin et chaque soir, mais il était reçu dans le cabinet du colonel.

Il y avait souvent du vague dans les idées d’André, car c’était un coup de massue qui avait frappé sa tête et son cœur. À ces heures-là, sa passion de punir l’entraînait dans des voies étranges. On eût dit alors qu’il cherchait un secret derrière le calme qui brillait sur le vénérable visage de son hôte.

Au bout d’un mois, il parla de son départ.

« Je vous remercie, dit-il au vieillard, de votre généreuse et noble hospitalité. Vous ne m’avez point demandé qui je suis.

— Je le savais, » interrompit le colonel avec son bienveillant sourire.

André baissa les yeux.

Le colonel reprit doucement :

« Votre femme n’est pas coupable ; elle a été trompée.

— Qui vous l’a dit ?

— Elle-même. Je suis l’ami et l’allié de sa famille. J’ai aidé au mariage… on vous croyait mort… et peut-être eût-il mieux valu pour elle…

— C’est vrai, interrompit André. Cela eût mieux valu. »

Le colonel lui tendit la main.

« Écoutez-moi, monsieur Maynotte, reprit-il. J’ai bien de l’âge. La fatalité vous a frappé ; vous appartenez à la loi, mais la vie et l’honneur de Mme Schwartz sont entre vos mains.

Mme Schwartz ! répéta André en un gémissement.

— C’est son nom désormais. Et c’est ce nom seul qui la sauvegarde contre la loi qui vous tient tous les deux.