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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/133

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— Je fermais les yeux, dit-elle avec son admirable sourire, pour évoquer cette suprême beauté qui m’a fait verser tant de larmes. Je suis si heureuse, Michel, chaque fois que tu prononces le nom de ta mère !

— Elle t’aimera, je t’en réponds ! si tu savais comme elle m’aime !… Dis-donc : il y a un petit secret que je voudrais bien connaître : par quelle porte ce digne M. Bruneau s’est-il introduit dans votre maison ?

— Il y a trois mois, répondit Edmée, quand je tombai malade après avoir rencontré Mme la baronne Schwartz sur le seuil de ta porte, maman venait d’envoyer de l’argent à nos créanciers : nous n’avions rien devant nous, et nous nous disions : il faudra vendre quelque chose. Un matin qu’on avait ouvert, pour donner de l’air à ma chambre, je vis à l’une des croisées qui font face l’étrange figure de Trois-Pattes, à demi cachée derrière les rideaux de son petit réduit. Il ne m’apercevait point et ne croyait pas être observé. Il regardait chez nous avec une attention singulière. Au bout de quelques instants, ne s’en reposant plus sur ses yeux, il mit au point une énorme lorgnette-jumelle et la braqua sur la chambre de maman.

— Que regardait-il ?

— Je ne savais. Il disparut et, un peu de temps après, quand maman sortit pour ses courses, M. Bruneau vint frapper à notre porte, demandant si nous n’avions rien à vendre. Je l’accueillis, car il a, dans le quartier, la réputation d’un homme juste, et en effet, il donna un bon prix des menus objets dont nous voulions nous défaire, mais ce n’était pas ces objets-là qu’il voulait acheter.

Que voulait-il acheter ?

— Le brassard… le brassard ciselé… et j’ai pensé