Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/36

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d’écouter bien : je vois un drame bizarre, curieux, mystérieux, émouvant, et qui pourtant ne touche à rien de ce que je veux garder pour la lutte décisive. L’idée n’est pas nouvelle pour nous : elle nous vint ce soir où nous entendîmes un homme prononcer tout bas, avec un point d’interrogation au bout, la parole proverbiale qui vient de t’échapper…

— Fera-t-il jour demain ? l’interrompit Étienne, déjà réchauffé au rouge. Ah ! tonnerre ! voilà un filon ! Une immense association de voleurs…

— Qu’en sais-tu ?

— Ou bien une affiliation politique, s’écria Étienne, forçant de vapeur.

— Qui te l’a dit ? demanda Maurice, levé sur son séant.

— Personne… mais toi-même… »

Maurice poursuivit d’une voix incisive et brève :

« Moi, je marche à tâtons. C’est ma force, car on agit en cherchant, et chercher sera l’action même de mon drame. »

Étienne se gratta l’oreille avec activité.

« Pendant cinq actes, grommela-t-il, toujours la même charade ? »

Maurice le dominait de toute la tête et son œil brillait comme une flamme.

« Pendant cinquante actes, si je veux ! s’écria-t-il, rendu, à toute son impétuosité d’enfant, et toutes les énigmes de la terre, entends-tu ? Et jamais la même ! Prends ton papier, je suis lucide. Je voudrais avoir tous les sténographes du Moniteur !… Nous sommes ici, vois-tu bien, dans une cage, comme le parquet des agents de change au palais de la Bourse. Le drame fait foule tout autour de nous, se pressant et se bousculant, à l’exemple de cette foule, composée de dupes, de fri-