Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/44

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maturges en herbe, fut une convulsive et irrésistible hilarité.

« Tu criais après des comiques ! dit le premier, Maurice, que son rire étouffait.

— Voilà nos pitres ! » riposta Étienne en se tenant les côtes.

Et tous deux de se tordre !

Échalot et Similor ne riaient pas ; bien au contraire, ils restaient confondus devant cette gaieté intempestive. Leurs visages désappointés disaient combien ils avaient compté sur leur entrée. Tout Parisien est comédien. Échalot et Similor s’étaient promis à eux-mêmes un grand effet en sus du bénéfice. Ils avaient vu au théâtre quantité d’entrées pareilles qui, toujours, réussissaient à miracle.

On avait parlé d’acheter à prix d’or des poignards. Présents, les poignards ! Et l’on riait !

Ils étaient braves tous deux et même mauvaises têtes ; pourtant l’idée de se fâcher ne leur vint pas, tant l’humiliation courbait leur fierté. Une insulte sérieuse, notez bien cela, eût glissé peut-être sur leur stoïcisme. Le point d’honneur, chez les sauvages de Paris, est la chose du monde la plus fantasque et la plus subtile.

L’espèce elle-même est très positivement une curiosité indescriptible. Je défends au plus minutieux observateur de peindre à peu près ressemblant cet amas de caprices monstrueux où la simplesse de l’enfance et l’effronterie émérite forment, selon leurs diverses proportions chimiques, des milliers d’alliages dissemblables. Le trait principal est toujours le même : mélange cru du bien et du mal, écrasés au hasard dans le mortier de notre barbarie ; mais combien les produits diffèrent !

Échalot et Similor étaient deux de ces vieux enfants,