Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/46

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« Modère ta fringale, lui glissa-t-il à l’oreille. C’est des farceurs, mais nous les tenons par leurs projets coupables ! »

Saladin, cependant, éveillé par le choc, poussa un vagissement de possédé qui sembla produire sur son père adoptif l’effet d’un son de clairon.

« Faut faire la fin de ces deux-là ! hurla-t-il en se débattant. »

Maurice riait encore, l’imprudent ; mais Étienne, moins téméraire, se réfugiait déjà de l’autre côté de la table, et nul n’aurait su dire quel dénoûment tragique allait avoir cette scène si joyeusement commencée, quand l’entrée d’un personnage nouveau changea soudain la situation.

La porte s’ouvrit toute grande. Un homme de robuste apparence, à la physionomie froide et terne, parut sur le seuil. Quatre voix étonnées prononcèrent le nom de M. Bruneau.

Le nouveau venu salua poliment les deux jeunes gens, et de son pouce, renversé par-dessus son épaule, montra aux deux autres le chemin de l’escalier.

Échalot et Similor hésitèrent un instant, puis ils baissèrent les yeux sous le regard fixe de M. Bruneau et tournèrent le dos sans mot dire.

« On oublie quelque chose, » dit le nouveau venu en montrant du pied l’enfant qui se roulait dans ses lambeaux.

Échalot revint, le pris dans ses bras, et disparut au pas de course.

« Deux drôles de corps ! murmura tranquillement M. Bruneau. Pauvres garçons ! Deux bien drôles de corps ! »

Son œil, lent à se mouvoir, tourna autour de la chambre et fit l’inventaire de l’ameublement indigent.