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LA MORT DE CÉSAR.

longtemps, sous la remise, et de préparer les chevaux.

Si courageuse qu’on soit, à l’âge d’Henriette on n’envisage point la mort sans frémir. Quand elle sut le danger qui l’avait menacée et le salut qu’on lui apportait, elle se sentit joyeuse. Ce ne fut point pourtant sans une secrète douleur qu’elle se vit sur le point de dire adieu au vieux manoir où s’était passée son enfance. Elle allait çà et là, par tout le château, suivie de César qui semblait comprendre ses regrets et sa joie, elle allait donnant un triste regard à chaque chose, et contemplant, pour la dernière fois peut-être, ces vastes salles où les dorures scintillaient encore sous leur poudreux linceul, ces longues et hautes galeries au pavé de marbre, ces larges escaliers qu’embaumaient autrefois une double rangée de caissons de fleurs. Puis elle descendait au jardin et cueillait un bouquet, afin de garder bien longtemps sur la terre d’exil des roses de Kerhoat, en souvenir de la patrie. — À cette heure de la séparation, tout prenait autour d’elle un aspect aimable. Le vieux château lui apparaissait plus vénérable et plus fier : les parterres dessinaient plus coquettement leurs symétriques arabesques ; les massifs de grands chênes secouaient plus doucement leurs feuillages inclinés ; les rosiers effeuillaient leurs fleurs, afin d’envoyer de plus pénétrants parfums. Rien, en ce monde, n’est plus séduisant que le bien qu’on va perdre, — si ce n’est peut-être le bien qu’on a perdu.

Henriette voulut s’agenouiller encore une fois dans l’ermitage où la conduisait naguère sa promenade quotidienne. Elle traversa le parc, sous l’escorte de César, et vint s’arrêter au pied de la croix. Cette croix était située sur une sorte de tertre, et dominait la campagne. Après avoir prié, Henriette s’assit et donna son esprit à la rêverie. César, couché