Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/141

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mirent en déroute notre bonne petite école du dimanche à Saint-Michel. — Et tous ces gens-là portaient le nom de chrétiens ! ils se disaient les humbles disciples du Seigneur Jésus-Christ ! Mais je fais encore une digression.

Je tenais mon école à la maison d’un homme de couleur libre, dont je pense qu’il serait imprudent de donner le nom ; car, si on le savait, il pourrait en résulter pour lui bien des désagréments, quoique ce grand crime ait été commis il y a dix ans. J’avais, à une certaine époque, plus de quarante élèves, et de la bonne espèce, je veux dire de ceux qui désiraient ardemment d’apprendre à lire. Il y en avait de tous les âges, mais la majorité se composait d’hommes et de femmes. Quand ma pensée se reporte vers ces dimanches-là, j’éprouve un plaisir inexprimable. C’étaient de grands jours pour mon âme. L’occupation d’instruire mes chers compagnons d’esclavage, était la plus délicieuse à laquelle je me sois jamais livré. Nous nous aimions, et c’était pour moi une douleur bien vive que de les quitter à la fin du dimanche. Quand je pense que ces âmes précieuses sont aujourd’hui enfermées dans la prison de l’esclavage, mon cœur s’émeut, et, entraîné par mes sentiments, je suis presque tenté de dire : « Est-ce qu’un Dieu juste gouverne