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Les mystiques invoquent les effusions du Mémorial jetées fébrilement sur le papier en sa nuit d’extase. Les agnostiques, le célèbre conseil : « Abêtissez-vous ». Mais les rationalistes protestent ; n’a-t-il pas écrit : « Toute notre dignité consiste dans la pensée ».

Non, l’appel au cœur le fait nôtre, réclament les parti sans de l’intuition créatrice. Lisez-le : « Qu’est-ce que la pensée ? qu’elle est sotte. Humiliez-vous, raison impuissante. Taisez-vous, nature indocile. » Et voici Pascal devenu ainsi l’ancêtre du pragmatisme, de W. James et de M. Bergson. Pour les romantiques, Pascal personnifie la lutte tragique de l’intelligence et du cœur, de la raison et de la foi. C’est un croyant ravagé par le doute et qui recule jusque vers les pratiques du fétichisme pour fuir de plus loin l’effrayante incertitude. Par une réaction quelque peu excessive, l’école nouvelle du néopositivisme chrétien n’a plus voulu voir en lui qu’un maître de méthode, dont la préoccupation dominante est d’apprendre à penser.

Les doctrines politiques autant que les philosophies se sont disputé Pascal. Supertitieux pour Voltaire, Concordet, André Chénier, il apparaît à Rousseau et à Jacobi comme le voyant qui a instauré, contre la froide raison, l’école du sentiment, c’est-à-dire de la liberté. N’est-il pas un apôtre de la liberté celui qui a revendiqué, contre toute atteinte du temporel, les droits les plus odieux aux tyrans, les droits de la pensée intérieure et qui refuse, à l’autorité du roi tout reniement même mitigé de sa foi comme « abominable devant Dieu et méprisable devant les hommes ? » N’a-t-il pas l’âme républicaine celui qui proclame criminel d établir la royauté là où la république existe ? Le socialisme lui-même a le droit de prendre pour base la phrase connue de tous : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants » ; et il n’est pas jusqu’à l’anarchie qui ne fasse appel, parfois, au formidable contempteur de notre misérable justice et des assises conventionnelles sur les quelles repose l’ordre social. C’est que la voix de Pascal est à ce point émouvante et chargée d’harmoniques qu’elle trouve en toute âme quelque accord à ébranler et à faire