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Dudit jour 9e juillet

Notre-Dame des Crottons

[132] Nous sommes parti sur les cinq heures du soir, avec le sieur Trastour, chanoine, économe, et notre aumonier, pour nous rendre à Notre-Dame des Crottons, à demi-lieue de Vence, sur le chemin de Grasse, au terroir de Mouvans[1]. Y étant arrivé, nous sommes entré dans la chapelle où, après avoir fait notre prière, nous en avons commencé la visite.

Le lieu est un prieuré uni depuis longtemps au chapitre[2]. Une partie des fonds qui sont aux environs sont de l’ancien domaine du prieuré. C’était autrefois un monastère où il y avait des religieux de Saint-Victor de Marseille. Une dame nommée Strude, femme de Lambert, donna ce qu’il y a de plus considérable[3] et ce qui est enfermé de murailles, qui est noble[4]. Il y a quelques fonds qui payent taille. Le chapitre en fait environ 60 livres tous les ans.

[133] Le tableau de l’autel est de bois peint. Il représente au milieu la Sainte Vierge, tenant l’Enfant Jésus. A côté gauche, saint Thomas, et de l’autre, saint Honorat[5].

Sur le devant dudit tableau il y a un gradin de bois, de la hauteur de deux pans environ, sur lequel on met les chandeliers et la croix. Il est peint sur le devant, mais les peintures sont presque entièrement effacées. Le tableau est aussi fort usé et la peinture manque en quelques endroits. Il a besoin d’être retouché par un peintre.

On dit la messe dans ladite chapelle depuis Saint-Jean jusqu’à la Toussaint. Autrefois c’était depuis la Croix de mai jusqu’à la Croix de septembre. C’est le sous-économe qui dit la messe ordinairement. On lui donne 15 livres. On y porte tout ce qui est nécessaire et on n’y laisse rien, pas même le devant d’autel, parce que les rats et d’autres animaux rongent tous les meubles quand ils y restent longtemps. Passé la Toussaint, tous les habitants de Mouvans, et ceux de Tourretes et de Vence qui sont aux environs, y entendent la messe. On les avertit s’il y a des veilles et des fêtes pendant la semaine[6].

Le chapitre s’y rend en procession le 25 mars, jour de la fête de ladite chapelle[7]. On y chante grand messe et on y fait l’absoute pour les morts[8]. Il y a une distribution de cinq sous pour ceux qui y assistent[9].

[134] Il y a une tour où pend une cloche qui pèse un quintal et quarante livres. Les deux fenêtres de la chapelle n’ont ni vitre ni châssis. L’ordonnance de 1709 porte qu’on y en mettra[10]. La voute est bonne, de grosses pierres. Il faudrait enduire les murs en quelques endroits et les blanchir.

  1. "Mouvans", le Malvan ou Mauvans. Orthographe conforme à la prononciation de l’époque.
  2. Le document écrit "prioré", conformément à l’étymologie latine. L’union du prieuré des Crottons à la mense capitulaire fut autorisée par le pape en 1444, d’après H. Denifle, La désolation des églises ... en France pendant la guerre de cent ans, Paris, 1897. Auparavant le prieuré dépendait de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. Voir aussi A. Venturini, dans Histoire de Vence et du pays vençois, Aix, 1992, p. 114.
  3. "Considérable" a alors le sens de "digne d’être pris en considération". L’acte de donation, par Lambert et son épouse Austrude date de 1042. Il se de trouve dans le Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, édité par Guérard, Paris, 1857, 2 vol.
  4. Qui est noble", c’est-à-dire qui n’est pas assujeti au paiement de la taille.
  5. Sans doute Thomas l’apôtre. Honorat, le fondateur de l’abbaye de Lérins.
  6. Cela n’est pas clair. Peut-être faut-il comprendre que le service est fait tous jours, de la Saint-Jean à la Toussaint, puis seulement le dimanche, après la Toussaint.
  7. La chapelle est donc sous le patronage de la Vierge de l’Annonciation.
  8. On y enterre donc.
  9. Une distribution aux prêtres qui y assistent, s’entend, pas aux fidèles !
  10. Référence à une visite de Mgr Crillon dont on ignorait l’existence car le procès-verbal n’en est pas conservé.