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campagne, ou tire le paquet de clefs et on ouvre le salon, la salle à dîner, la chambre à coucher, le boudoir.

En entrant, cela sent le vernis et tous les meubles roides et enveloppés d’indienne à ramages, sans la plus légère égratignure, sont rangés dans un ordre sévère. Le visiteur admire et est prié de ne pas s’asseoir.

À Québec, le premier luxe est d’avoir chevaux et voiture. Il y a tant de côtes que l’on se lasse d’aller à pied toute sa vie ; et puis, les promenades hors de la ville sont si belles ! Cependant, autant que possible, le monde élégant se promène dans la rue St. Jean. Il se forme parfois, l’hiver, un long cortège d’équipages qui stationnent à la porte St. Jean, pendant que le défilé se fait lentement. C’est un grand embarras de voitures, mais un gracieux spectacle. Les piétons seuls en souffrent : ceux d’entre eux que l’on écrase reçoivent de prompts secours dans les excellentes pharmacies qui abondent sur le parcours ordinaire du Tandem Club.

C’est donc commettre une injustice envers Québec que de le juger par ses maisons : il faut le juger par ses voitures et par l’usage constant que l’on en fait. On ne les garde pas sous remise et, par conséquent, l’on n’attend pas le bon plaisir des domestiques pour les en tirer. Vous en connaissez de ces braves gens que l’on ne voit jamais dans leur voiture, tant ils ont peur de l’user ; qui ne sortent point le soir, de crainte d’enrhumer leurs chevaux ! À Québec, je n’en connais point.

Quant aux meubles, on les garde tant qu’ils se tiennent debout, jusqu’à ce qu’ils s’en aillent d’eux-mêmes. Les salons où l’on s’amuse ne sont pas les salons garnis de meubles élégants et fragiles qui inspirent le respect et commandent la circonspection. Vivent les salons qui ont de l’usage, dont les fauteuils ont vieilli sons les causeurs ! Le sans-gêne des meubles invite à l’intimité.

La population québecquoise aime la vie au grand air. Autant que possible, elle passe les belles journées hors de chez