Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/124

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élancions dans la carrière, avec toute la vitesse, bientôt ralentie, de jambes exercées çà jouer aux barres.

L’homme oublie, dit-on, et rien ne reste dans son cœur que sa propre image. L’égoïsme nous dévore et les plus chers souvenirs nous échappent. L’affection a besoin d’être ravivée sans cesse par la présence, les soins, les services de celui qui l’inspire. On ne peut contester une part de vérité en tout cela. Et cependant, il y a des souvenirs qui ne partent jamais du cœur ; il y a des absents que l’on aime comme s’ils étaient près de nous pour recevoir les témoignages de notre affection, et pour l’honneur desquels l’on s’efforce de bien faire, comme s’ils étaient encore là pour nous voir.

Nous n’avons point au Canada la coutume touchante que l’on retrouve dans la plupart des villes européennes : la coutume d’aller visiter, en foule, les cimetières, le jour des Morts. C’est une tradition que nous avons perdue et qu’il faut regretter. Il est difficile d’imaginer une plus imposante manifestation de respect à l’égard des morts, au sein d’une grande ville comme Paris, que le pèlerinage que font, ce jour-là, au tombeau de la famille, une foule de Parisiens, insouciants d’ailleurs la veille, dissipés le lendemain.

Il n’y a si triste chose qui n’ait son côté comique, on l’a dit depuis longtemps et c’est presqu’un proverbe que je cite là. Les funérailles ont leur côté comique. Bien des gens y assistent pour rencontrer celles de leurs connaissances qu’ils n’ont pas occasion de rencontrer autre part, pour y apprendre ou y raconter quelle fortune ou quels embarras laisse le défunt. Ils arrivent avant l’heure, et un dialogue animé, des conversations intéressantes s’engagent devant la porte par où, il y a deux jours, la mort est entrée, par où, dans un instant, la mort va sortir.

La conversation s’ouvre par un court éloge du défunt : il entendait les affaires et savait souscrire lorsqu’il le fallait. Puis, on passe aux détails.