— C’est finir bien promptement, dit l’un. La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était, il y a dix jours, dans la rue Saint-Jean. Je ne le voyais pas, car j’avais une grosse affaire en tête ; il m’a tapé sur l’épaule, en me demandant pour combien je lui céderais la spéculation dont la préoccupation m’empêchait de voir mes meilleurs amis. Il m’offrit une prise de tabac et nous causâmes durant quelques minutes. Il me demanda conseil sur sa propriété du faubourg Saint-Jean qu’il avait envie de vendre ; c’était un homme qui savait à qui s’adresser pour avoir un bon avis. Je l’ai laissé à la porte de chez Lamontagne, où j’entrai pour faire arranger ma montre qui ne va pas depuis que je l’ai laissé tomber, en la montant, dans mon pot à barbe. Si j’avais su que c’était la dernière fois que je le rencontrais bien portant, j’aurais continué avec lui jusqu’à son bureau. Mais rien ne m’agace comme une montre qui ne va pas, et je suis entré chez Lamontagne pour faire remettre la mienne à l’heure.
— Sa femme est au désespoir, à ce qu’il paraît, dit un autre. Elle ne se remariera pas de sitôt, s’il lui laisse de quoi vivre à l’aise. Cependant, ça ferait une bonne femme pour X., qui en cherche une depuis si longtemps. Elle tiendrait bien son ménage, sans lui faire trop de dépenses, et lui élèverait ses enfants comme il faut. Il aime à recevoir ; elle lui ferait parfaitement les honneurs de son salon. Il faudra que je lui en parle pour plus tard, au cas où ce pauvre V. n’aurait pas laissé grand’chose.
— Savez-vous, reprend un troisième, que V. ne laisse pas le diable. Il a dépensé un argent fou à réparer sa vieille maison, et puisqu’il voulait vendre sa propriété du faubourg Saint-Jean, c’est signe qu’il était joliment embarrassé. Je tiens d’un des directeurs de la Banque Nationale que l’on refusait souvent d’escompter ses billets. Il branlait dans le manche, et c’était connu dans la rue Saint-Pierre. S’il n’était pas mort si vite, c’était fini, il faisait banqueroute. Toutes ses dettes payées, il