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fois, le transport de tous ces débris du foyer de famille, de tous ces fragments épars des pénates, sous un ciel qui versait de l’eau à torrent, avait quelque chose de particulièrement navrant.

Il y a des intérieure qui mettront quelque temps à sécher. Mais je n’ai pas l’intention de recommencer la description, souvent faite, du spectacle des déménagements. Je veux seulement, à ce propos, raconter une anecdote. Elle remonte à près de deux ans, à l’époque du transfert du siège du gouvernement de Québec à Ottawa ; mais elle est encore inédite.

Si le déménagement d’un particulier n’est point une petite affaire, on juge de ce que doit être le déménagement d’un gouvernement. Il fallut mettre en caisse les livres de la bibliothèque de la Chambre d’Assemblée pour les expédier dans la nouvelle capitale. C’était une assez grosse besogne ; mais les emballeurs ne manquaient pas. La moitié des députés, à peu près, en avaient imposé chacun un à l’Orateur.

Cela faisait une escouade de cinquante hommes en état de mettre des livres dans des caisses.

Les employés ordinaires de la Chambre, qui se pensaient en état de suffire à la tâche, prirent le parti d’envoyer ces recrues à l’Université pour emballer les dix mille volumes qui s’y trouvaient appartenant au Parlement.

Les cinquante hommes retroussèrent leurs manches et attaquèrent l’ouvrage. Le chef, ayant levé un plan du siège des opérations, fit placer une caisse à la porte de la salle ; puis ordonna à ses subordonnés dociles de former une chaîne depuis la caisse jusqu’à la tablette la plus reculée de la bibliothèque.

L’opération commença. L’homme placé à l’extrémité de la salle prenait un volume, le passait à son voisin, qui le passait à son voisin, lequel le passait à son voisin et ainsi de suite jusqu’à l’homme assis à côté de la caisse. Ce n’était que lorsque le livre était arrivé à destination et sain et sauf au fond de la