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Des gens qui ne valaient pas plus qu’une action dans les mines, paient comme si c’était pour eux un plaisir. C’est à croire qu’il y a de l’or dans tous les ruisseaux à la campagne.

L’amoureux se révèle à son air mystérieux et concentré. Il a peur que son émotion et le papier rose de la lettre qu’il vient de recevoir, ne le trahissent. Il étouffe l’émotion avec peine et met la lettre avec précaution dans son portefeuille, vis-à-vis de son cœur. Puis, le voilà à chercher une réponse ; il regarde les passants dans les yeux sans les voir et fredonne en plein jour une barcarolle.

Le veuf ressemble à l’amoureux, à ce détail près qu’il n’est pas fâché de laisser apercevoir qu’on lui écrit sur du papier rose. Cela le pose en jeune homme, en habitué du cœur féminin.

Il ne faut pas oublier le candidat qui reçoit une réquisition dont chaque signature lui coûte le prix, et dans laquelle on lui déclare en termes formels que le comté de X. meurt d’envie de l’avoir pour député. Il aborde les gens en disant :

— Devinez ce qui m’arrive ? Voici le comté de X. qui veut à toute force m’envoyer en Chambre. Ces gens-là se figurent qu’on n’a point autre chose à faire que de s’occuper des intérêts publics. Je vais leur répondre tout net que, s’ils jugent ma présence en Parlement absolument nécessaire, ils n’ont qu’à m’élire par acclamation. Je verrai ensuite ce que je puis faire pour eux.

Il y a encore le solliciteur qui cache au fond de son chapeau une grande lettre officielle ainsi conçue :

Monsieur : — J’ai reçu instruction de l’honorable Ministre des Travaux Publics d’accuser réception de votre lettre en date du 13.

J’ai l’honneur d’être… etc.

Il aborde ses amis en souriant :

— Le gouvernement, dit-il, m’offre une place. Mais je ne