Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/173

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crois pas que je l’accepte. Mon petit commerce va bien et je ne vois pas trop pourquoi je l’abandonnerais.

— Cependant, répondent les amis, une place an gouvernement, c’est plus sûr. Votre petit commerce peut manquer ; il y a de mauvaises années !

— Impossible, le gouvernement fera banqueroute avant moi. Mais comme de raison, si les ministres me disent qu’ils ont besoin de mon concours pour mettre en opération la nouvelle machine constitutionnelle, il faudra bien que je fasse mon sacrifice.


Avec quelques-unes de ces lettres entrevues, devinées, on pourrait faire une chronique. Essayons.


Lettre de M. B., candidat, à M. R., agent-général pour tes élections.

« J’ai reçu, mon cher ami, la réquisition signée de deux cent trois électeurs de la paroisse de St…, que vous m’avez expédiée par la dernière malle. C’est un beau résultat et je ne m’attendais pas que nous pourrions l’atteindre si vite. Comme je vous l’ai dit à votre départ, mon oncle Irénée a laissé de mauvais souvenirs dans cette paroisse. Médecin pratiquant durant trente ans, on a fini par découvrir qu’il tuait ses malades à bout portant et que ceux qui en réchappaient ne devaient leur salut qu’à la vigueur de leur constitution, victorieuse à la fois du mal et des remèdes pires que le mal. Le jour de cette funeste découverte, dans toutes les familles, on lui a réclamé des parents, qu’après tout il ne pouvait rendre. Il ne trouvait qu’une chose à dire pour sa défense ; il jurait que, sans ses soins, ils seraient morts tout de même. Ce qui l’a sauvé, c’est que ceux qui avaient hérité lui serraient, en secret, la main, avec une reconnaissance muette, et le protégeaient sans faire semblant de rien.