qu’elle avait vu naître, était à elle, et que, même en grandissant, elle continuerait à reposer sa tête sur ses genoux, à dormir dans sa chambre, à l’appeler sa mère !
Le réveil fut cruel et la colère grande : je vous assure que dans ce moment-là on a dit bien des sottises d’Ottawa, de la Plateforme à la rue du Pont. On enrageait, on vous montrait le poing, on faisait courir sur Ottawa des bruits invraisemblables. Si l’on en croyait des touristes qu’on inventait pour l’occasion, les employés ne devaient pas trouver à se loger ici ni même à manger.
La population d’Ottawa aura beau se presser, disait-on, elle ne pourra faire de la place pour tous. Il faudra qu’un certain nombre d’employés couchent sous leur parapluie et vivent de l’air du temps. Quant aux députés, ils auront toujours la ressource de prolonger les séances jusqu’au matin et d’aller dormir durant la journée, dans les lits encore tout chauds, des habitants, ou d’aller s’étendre à l’ombre des forêts voisines. Quand la faim les pressera trop, ils feront comme le rat industrieux : ils rongeront les statuts. Faisons des vœux pour qu’exaspérés par les privations de tout genre, ils ne se jettent pas sur les ministres qui les ont amenés là et ne les dévorent sur place !
Les gens les plus graves eux-mêmes prenaient parti contre Ottawa. Ce n’est pas tout, disait-on, que de supplanter le vieux Québec, il faut le remplacer. Ottawa y a-t-il bien songé ? Pour une ville secondaire, être la capitale de la Confédération, c’est un coup extraordinaire de la fortune. Pour une ville aussi jeune passer avant une ville aussi ancienne que Québec, c’est un manque d’égard. Pour une ville aussi petite, ranger sous elle une aussi grande ville que Montréal, c’est bien de l’ambition.
Mais aussitôt on ajoutait : Il reste à Ottawa à prouver qu’elle mérite son bonheur. Elle va être le centre de notre monde politique ; elle va donner l’hospitalité à une élite