Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/232

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jugement ? Eh bien ! suivez mon conseil, votez pour mon candidat. Je l’ai employé dans des négociations difficiles ; il a du tact et il entend bien les affaires. Si je tombais malade, je n’hésiterais pas à lui donner une procuration pour faire mes affaires.

Je ne dis pas ça pour me vanter, mais dans votre intérêt : ma position, ma fortune, font honneur à la paroisse du comté qui possède un homme aussi riche. J’espère que vous reconnaîtrez tout cela en votant pour mon candidat.

L’Orateur. — Messieurs…

Une voix ennemie dans la foule. — Pas d’avocat !

L’Orateur. — Messieurs, je regrette de voir que le barreau compte ici un ennemi. C’est sans doute une victime de la justice, un plaideur désappointé. Je sympathise avec son malheur, même si c’est moi qui l’ai causé.

Je viens vous parler de questions plus graves. Aimez-vous votre pays ou ne l’aimez-vous pas ?…

Une autre voix ennemie. — Allons-nous-en, c’est un avocat ; il en a pour deux heures à parler, la soupe va refroidir ! (Hilarité générale.)

L’Orateur, élevant la voix. — Messieurs, le comté tout entier, les comtés voisins, les ministres, je pourrais dire tous les habitants du pays, ont les yeux sur vous en ce moment.

Un Farceur. — Comment le savez-vous ? Est-ce qu’ils vous l’ont écrit ? (Rires approbateurs.)

L’Orateur, à pleine voix. — Messieurs, je suis un homme public qui parle à ses concitoyens de leurs affaires. J’ai droit d’être entendu.

Voix Amies. — Parlez. Parlez !

Le Marchand. — Vous devez écouter, Messieurs ; c’est moi qui ai invité Monsieur à venir vous instruire de la politique du pays.