Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/240

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de la rue Notre-Dame-Est, qui voyait les économies de plus en plus notables qu’il opérait chaque année sur les frais de sa propre toilette, rapidement dévorées par les chiffons de sa femme et les rubans de sa fille.

Les élèves achevaient de se former en groupe de chaque côté de la scène, lorsque l’attention des personnes placées près de la porte fut attirée par le bruit d’une contestation au dehors. Trois ou quatre jeunes gens demandaient entrée dans la salle, et le portier la leur refusait sous prétexte qu’ils n’avaient pas l’air de pères de familles authentiques.

— Vous nous offensez, dit celui qui tenait la tête de la colonne, voici monsieur : il a trois enfants, deux au couvent et un au collège ; cela ne se voit-il pas à sa figure : regardez bien ! Pourquoi donc n’aurait-il conservé de l’épaisse chevelure que nous lui avons connue, que cette touffe blonde, ce simple bouquet, qui répand une ombre si légère sur son front pensif ? Et moi qui vous parle, je viens couronner ma fille aînée qui va remporter dans la minute un premier prix de sagesse ! Me priverez-vous de la joie de couronner ma fille aînée remportant un premier prix de sagesse ?

Le portier avait ouvert la bouche pour écouter. Avant qu’il eut eu le temps de la refermer, les jeunes gens entrèrent dans la salle.

Celui qui venait de haranguer ainsi le fonctionnaire préposé aux billets d’entrée n’était autre que le Dr. Charles Blandy. Personne n’était plus connu dans la communauté. Maintes fois, les bonnes religieuses avaient surpris quelque élève brodant son nom sur un coin de mouchoir ou sur un bout de canevas. Ses initiales ornaient les marges de bon nombre de grammaires. Ce prestige lui venait de ce qu’il comptait parmi les élèves une sœur et quelques nièces et cousines, qui n’avaient pas fait faute de raconter à leurs amies combien elles l’avaient trouvé aimable pendant les vacances, et séduisant !