Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/264

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— Vous me flattez, Monsieur, et je ne mérite point les éloges que vous me décernez. Je n’ai fait que répéter ce que l’on m’a enseigné.

— Mais cette toilette ravissante que vous portiez avec tant d’élégance, c’est bien à vous qu’en revient tout l’honneur ! On n’apprend de personne à se mettre ainsi.

— Pour ma toilette, j’avoue que j’en étais plus fière que de mon talent. Ma mère avait passé quinze jours à la composer, à en assortir les nuances délicates ; et j’y rêvais chaque nuit. Si vous saviez quelles inquiétudes cause un ruban dont on n’a pas trouvé la place, quel mal il faut se donner pour régler l’ensemble des effets que l’on veut produire ! Ce n’est pas trop de cinq ou six miroirs et de bien des heures. Votre toilette est prête, vous allez partir, vous êtes déjà sur l’escalier ; soudain un doute vous frappe, un soupçon vous vient, vous courez à la glace ; vous l’avez échappé belle : votre ornement vous tombait sur les oreilles.

Ce n’était pas pour causer toilette que M. et Mme. Perret avaient laissé leur fille en tête-à-tête avec le docteur. Sur un mot, l’entretien changea de route et arriva promptement à destination.

Je ne sais pas si les interminables dialogues des amoureux vous intéressent dans les romans. Moi, je fais mes excuses à l’auteur et je les passe. C’est toujours un peu la même chose. Le jeune homme roucoule, la jeune fille soupire, et le lecteur bâille. Vous avez dû voir des gens s’endormir profondément en lisant un feuilleton. Pour peu que vous soyez auteur, vous vous êtes approché sur le bout du pied avec inquiétude et prudence pour constater si, par hasard, ce n’était pas une de vos œuvres qui produisait ce merveilleux effet. Presque toujours, vous constatez que ce cas de sommeil foudroyant est amené par le récit d’un tête-à-tête amoureux, d’un tendre entretien.