Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/265

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On ne sera donc pas surpris si je ne répète point ici ce que se dirent Blandy et Mademoiselle Perret. Qu’il suffise au lecteur de savoir que le docteur fut ému, éloquent, et que la jeune fille parut aussi touchée de son amour que convaincue de sa sincérité. Il est rare qu’une femme, surtout à cet âge, doute sérieusement des sentiments qu’on lui exprime. Elle trouve si naturel de les inspirer !

Tout en causant avec Mlle. Aubé, Mme. Perret avait suivi du regard, sur la figure de sa fille, les progrès de la déclaration. Comme bien des femmes, elle avait le talent de voir plusieurs choses à la fois. Son regard allait d’une direction à l’autre, et rien ne lui échappait. À mesure qu’avançait l’entretien du docteur et de Mlle. Perret, elle devinait le plaisir qu’y trouvait sa fille, et sentait Mlle. Aubé rougir de dépit à côté d’elle.

Lorsque Blandy eut lâché le grand mot, et que sa compagne parut se recueillir pour y répondre, l’excellente femme jugea que le moment d’intervenir était venu. Abandonnant Mlle. Aubé à ses réflexions, elle s’approcha du jeune couple.

Heureuse de la diversion qui arrêtait sur ses lèvres un acquiescement toujours difficile à exprimer, même lorsque c’est le cœur qui l’inspire, Mlle. Perret s’empressa d’adresser la parole à sa mère du plus loin qu’elle la vit venir, et s’échappa sous prétexte d’aller la remplacer auprès de Mlle. Aubé.

— Vous vous êtes mis de bonne heure à l’œuvre, malgré ma défense, dit Mme. Perret au docteur.

— Vous le savez, Madame, la passion ne raisonne pas. Une fois auprès de Mlle. Perret, je n’ai plus été maître de ma volonté ; l’entretien a pris soudain une tournure que votre fille, je le confesse, ne m’a pas paru blâmer aussi sévèrement que vous.

— Je sais tout, mon cher docteur. Je sais que ma fille vous convient parfaitement et que vous lui convenez de même.