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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/88

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contrefaçon de nos beaux fruits, et en fait de bourassa ne connaîtront que le nom historique du député de St. Jean. »


La première question qui s’agite dans un jeune ménage est celle-ci : « Qui fera le marché ? sera-ce le mari, la femme ou la cuisinière ? »

Il y a des maris qui sont impropres à cette besogne. En général, ceux qui ignorent l’art de débiter un roast-beef, n’ont point non plus le talent de l’acheter. Ces mérites vont ensemble.

Toutes les femmes ne veulent pas faire le marché : il est évident qu’il est plus agréable d’aller au bal ; mais celles qui y consentent et y mettent du zèle sont les meilleures.

Avant de signer le contrat qui vous lie à jamais à une femme, qui vous fera peut-être manger toute votre vie de la vache enragée, on devrait décider cette question capitale.


C’est au marché qu’un observateur consciencieux apprend à distinguer entre les véritables aisances et les faux luxes ; qu’il connaît ceux qui sacrifient le nécessaire à l’apparence. Tel qui roule carrosse ou dépense des sommes folles pour la toilette de sa femme, mange toute l’année des poulets maigres. C’est à la table qu’on juge ceux qui vivent bien. Le vrai Canadien crève d’indigestion quelquefois, jamais de faim.


Je crois que, de longtemps, je ne retournerai au marché. Tout compte fait, je vois que mon marché m’a coûté double, et ma chronique relue, je ne suis pas sûr qu’elle amuse le lecteur.