vaux pour qu’ils pussent remonter le Pied-du-Courant. Ils arrivaient essoufflés.
Plus tard, les bateaux devinrent meilleurs, mais il fallut, par patriotisme, continuer à voyager dans ceux qui n’allaient pas. Les bons appartenaient à des Anglais, les mauvais à des Canadiens, et le prix de passage sur ceux-ci n’en était que plus cher. N’importe ! on n’hésitait pas : on laissait les bureaucrates voyager à l’aise, et l’on montait, le cœur joyeux, le corps résigné, à bord du Charlevoix, du Patriote ou du Trois-Rivières.
J’en ai bien peur, il ne faudrait pas recommencer l’épreuve. De ce temps-ci, le Patriote voyagerait à peu près vide. Parmi ceux qui m’écoutent cependant, il y en a qui se souviennent avec bonheur du temps que je rappelle et qui recommenceraient volontiers à voyager dans le Charlevoix, si on leur rendait la jeunesse qui leur faisait trouver les lits moins durs et le trajet trop court.
Québec avait, à cette époque, un renom d’hospitalité, d’amabilité qu’il a conservé, quoique nos mœurs aient perdu de leur entrain. Aussitôt qu’on signalait un étranger à l’horizon, une partie de la population se portait à sa rencontre. Les uns s’occupaient de ses malles, les autres lui offraient leur voiture ou le débarrassaient de sa canne, de son chapeau, de ses enfants. C’était à qui l’aurait le premier. On l’invitait à dîner, à se promener, à se fixer dans nos murs, à prendre une femme sans dot. Et du premier jour au dernier, il s’amusait, il engraissait. De retour à Montréal, on lui trouvait dix livres de plus et un entrain, une gaieté qu’on ne lui avait pas connus. Il ne se faisait pas répéter deux fois une invitation et se plaignait du sérieux de ses concitoyens. Le printemps suivant, il reprenait à petit bruit la route de Québec et allait, dans la capitale, se dégourdir de son hiver.
L’hospitalité québecquoise, de nos jours encore, a cela de particulier, qu’elle n’attend pas pour s’offrir que le temps soit passé de l’accepter. Elle est spontanée, aimable, pressante.