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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/179

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MOUVEMENTS DES FEUILLES

À ces mouvements d’une lente ténacité par lesquels les feuilles renversées seront ramenées dans leur régulière situation, la plante en associe d’autres, amples et brusques, qui rappellent mieux ceux de l’animal. Trois plantes surtout sont renommées sous ce rapport : le sainfoin oscillant, la dionée gobe-mouches et la sensitive.

Le sainfoin oscillant fut observé pour la première fois, il y a un siècle, dans les plaines les plus humides et les plus chaudes du delta du Gange, par milady Monson, qui parcourait l’Inde pour en étudier l’histoire naturelle. Depuis lors, la singulière légumineuse a été introduite dans les serres d’Europe, où l’on a pu vérifier les récits de la savante exploratrice. Ses feuilles, comme celles de notre trèfle, sont composées chacune de trois folioles, avec cette différence que les folioles du sainfoin oscillant sont très-inégales, celle du milieu grande et ovale, atteignant jusqu’à un décimètre de longueur, les deux latérales fort petites en proportion et mesurant au plus une paire de centimètres.

La grande foliole est soumise à une alternative de redressement et d’abaissement que provoque la présence ou l’absence du soleil. Dans la nuit, elle est pendante et appliquée contre la tige par sa face inférieure. Aussitôt le jour paru, elle se meut lentement et se redresse peu à peu à mesure que le soleil monte. À l’heure de midi, par un jour bien vif, elle est en ligne droite avec le pétiole. On la voit alors, si la chaleur est ardente, s’animer d’un tremblotement très-appréciable. Puis le soleil décline, et la foliole décline aussi pour reprendre, à la nuit, sa position pendante. Outre cette oscillation générale réglée par le cours de l’astre, elle en accomplit d’accidentelles d’après l’état lumineux du ciel. Un nuage vient-il à projeter de l’ombre, la foliole descend ; le jour reprend-il sa sérénité, la foliole remonte. Elle est enfin tellement sensible à l’influence de la lumière, qu’à toute heure du jour elle change de direction, s’élève ou s’abaisse, suivant que l’illumination de l’atmosphère s’active ou s’affaiblit.