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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/187

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SOMMEIL DES PLANTES

seau, dont il désirait étudier la floraison. La délicate plante, transportée du chaud littoral de la Méditerranée au milieu des froides brumes de la Suède, parvint cependant à fleurir, à force de soins, dans les serres d’Upsal. C’était pour la botanique un précieux événement que l’apparition des premières fleurs, toutes petites, jaunes et groupées trois par trois au milieu d’un faisceau de feuilles ; aussi quelle ne fut pas la pénible surprise de Linné lorsque, revenant sur le soir visiter encore une fois le lotier, il ne trouva plus les fleurs aperçues quelques heures avant. Cette floraison tant désirée lui échapperait donc, toutes les fleurs ayant disparu, coupées sans doute par quelque main jalouse ou détruites par les insectes. Le mal paraissait sans remède lorsque, le lendemain, allant une dernière fois aux informations, Linné retrouva le lotier aussi fleuri qu’il l’avait vu d’abord ; les mêmes fleurs, d’une fraîcheur parfaite, étaient présentes aux places primitives. Le mystère ne tarda pas à s’expliquer. Il fut reconnu qu’à l’approche de la nuit, le lotier relève ses folioles étalées et les rassemble autour de chaque groupe de fleurs, qui deviennent ainsi invisibles pour le regard le plus attentif. En même temps, les pédoncules se penchent un peu et les rameaux s’inclinent vers la terre. Tel fut le point de départ de la découverte du sommeil des plantes.

On appelle de ce nom la disposition que le feuillage de beaucoup de végétaux affecte pendant la nuit, disposition toute différente de celle qui est prise pendant le jour. Les plantes dorment, non toutes, non celles à feuilles coriaces, comme le chêne, le houx, le laurier, mais celles à feuilles délicates, à feuilles composées surtout ; elles dorment, c’est-à-dire que de nuit elles prennent une attitude autre que celle de jour. L’épinard, quand vient l’obscurité, redresse ses feuilles vers le haut de la tige et les applique contre la sommité encore tendre de la pousse ; l’impatiente, frêle balsamine du bord des eaux, fait tout le contraire ; elle infléchit ses feuilles vers le