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Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/188

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LA PLANTE

bas de la tige. L’œnothère, dont les grandes fleurs jaunes et odorantes embellissent les bords des fleuves, dispose ses feuilles supérieures en un abri nocturne autour de ses corolles ; les oxalis, à feuilles composées de trois folioles en forme de cœur, plient celles-ci en deux suivant la nervure médiane et les laissent pendre renversées de l’extrémité du pétiole commun. Les trèfles, comme le lotier pied d’oiseau, rassemblent leurs feuilles autour des fleurs ; les lupins, au contraire, quoique de la même famille, laissent, la nuit, leurs fleurs à découvert en dirigeant les feuillages vers le bas. Dans les Pyrénées, où l’on cultive pêle-mêle le lupin blanc et le trèfle incarnat, un même champ, aux différentes heures du jour, devient méconnaissable d’aspect. En plein soleil, c’est un riche tapis de verdure émaillé des têtes rouges du trèfle et des panaches blancs du lupin ; les ombres du soir venues, la première plante voile ses fleurs d’un rideau de feuilles, la seconde rabat son feuillage vers le sol et le champ paraît à moitié dégarni. Le trèfle semble avoir perdu ses fleurs et le lupin ses feuilles.

L’animal, suivant son espèce, varie d’attitude pour le repos nocturne. La poule monte au perchoir, soulève une patte dans le duvet et se cache la tête sous l’aile ; le chat recherche la cendre de l’âtre, où il se roule en manchon ; le mouton s’accroupit sur le ventre ; le bœuf se couche sur le flanc ; le hérisson se pelotonne en boule ; la couleuvre se dispose en spirale. De même, chaque espèce végétale a sa manière de dormir, très-variable de l’une à l’autre. Cette multiplicité d’attitudes nocturnes est cependant soumise à une loi générale, car on reconnaît dans la feuille une tendance marquée à reprendre, la nuit, la pose qu’elle avait dans le bourgeon, alors que, enveloppée d’écailles cotonneuses, elle dormait du profond sommeil du jeune âge. Ainsi l’une s’enroule grossièrement en cornet, en volute ; une autre se plie à la façon d’un éventail ; une troisième se ferme en deux, la moitié de droite sur la moitié de gauche ; une quatrième