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Solenius vagus, qui abandonne la ronce en fin juin, et l’Osmia detrita, qui sort un peu plus tôt, dans la première quinzaine du même mois. Dans des tubes de verre, ou bien entre deux rigoles de ronce rapprochées en cylindre, j’alterne donc des cocons d’Osmie avec des cocons de Solenius. Ce dernier termine en haut la série.

Le résultat de cette promiscuité est frappant. Les Osmies, plus précoces, sortent ; et les cocons de Solenius ainsi que leurs habitants, parvenus alors à l’état parfait, sont réduits en lambeaux, en poudre, où il m’est impossible de rien reconnaître, si ce n’est çà et là, une tête des malheureux exterminés. Donc l’Osmie n’a pas respecté les cocons vivants d’une autre espèce ; pour sortir, elle a passé sur le corps des Solenius intercalés. Que dis-je, passé sur le corps ? Elle a passé à travers, elle a broyé les retardataires sous ses mâchoires, elle les a traitées avec la même sans-façon que mes diaphragmes de sorgho. Ces barricades étaient vivantes pourtant. N’importe ; son heure venue, l’Osmie a passé outre, détruisant tout sur son passage. Voilà une loi sur laquelle on peut du moins compter : la souveraine indifférence de l’animal pour ce qui n’est pas lui et sa race.

Et l’odorat, qui distinguait le mort du vivant ? Ici tout est vivant, et l’hyménoptère fait sa trouée comme à travers une file de morts. Si l’on dit que l’odeur des Solenius peut différer de celle des Osmies, je répondrai que tant de subtilité dans l’olfaction de l’insecte dépasse ce qu’il me semble raisonnable d’admettre. Quelle est alors mon explication du double fait ? L’explication ! mais je n’en ai pas à donner ! Très aisément, je me