Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/32

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heures par monts et vallées ! Non, ce n’est pas ainsi que les choses se passent ; la tendresse maternelle ne soumet pas sa progéniture au supplice du tonneau de Régulus.

Il fallait cependant autre chose que des considérations logiques pour faire table rase des opinions reçues. J’ai donc ouvert par centaines les pelotes roulées par les bousiers ; j’en ai ouvert d’autres extraites des terriers creusés sous mes yeux ; et jamais, au grand jamais, je n’ai trouvé ni loge centrale, ni œuf dans ces pilules. Ce sont invariablement de grossiers amas de vivres, façonnés à la hâte, sans structure interne déterminée, de simples munitions de bouche avec lesquelles on s’enferme pour couler en paix quelques jours de bombance. Les bousiers mutuellement se les jalousent, se les pillent avec une ardeur qu’ils ne mettraient certainement pas à se dérober de nouvelles charges de famille. Entre Scarabées, le vol des œufs serait une absurdité, chacun ayant assez à faire pour assurer l’avenir des siens. Donc sur ce point désormais aucun doute : les pelotes que l’on voit rouler aux bousiers jamais ne contiennent d’œufs.

Pour résoudre la question ardue de l’éducation de la larve, ma première tentative fut la construction d’une ample volière, avec sol artificiel de sable et provisions de bouche fréquemment renouvelées. Des Scarabées sacrés y furent introduits au nombre d’une vingtaine, en société de Copris, de Gymnopleures et Onthophages. Jamais expérience entomologique ne me valut autant de déboires. Le difficile était le renouvellement des vivres. Mon propriétaire avait écurie et cheval. Je gagnai la confiance du domestique, qui rit d’abord de mes projets, puis se laissa convaincre par la petite pièce blanche. Chaque déjeûner de mes bêtes me coûtait vingt-cinq centimes. Budget de bousier n’avait jamais sans doute atteint un pareil chiffre. Or, je vois encore, je verrai toujours Joseph, qui, le matin, après le pan-