sont des jeunes de l’année, n’ayant encore que des ailes rudimentaires, et qui, dépourvus de l’industrie de l’adulte, ne savent pas encore se creuser ces profondes retraites où ils seraient à l’abri des investigations des Sphex. En peu d’instants me voilà possesseur d’autant de Grillons vivants que je peux en désirer. Voilà tous mes préparatifs faits. Je me hisse au haut de mon observatoire, je m’établis sur le plateau au centre de la bourgade des Sphex, et j’attends.
Un chasseur survient, charrie son Grillon jusqu’à l’entrée du logis et pénètre seul dans son terrier. Ce Grillon est rapidement enlevé et remplacé, mais à quelque distance du trou, par un des miens. Le ravisseur revient, regarde et court saisir la proie trop éloignée. Je suis tout yeux, tout attention. Pour rien au monde, je ne céderais ma part du dramatique spectacle auquel je vais assister. Le Grillon effrayé s’enfuit en sautillant ; le Sphex le serre de près, l’atteint, se précipite sur lui. C’est alors au milieu de la poussière un pêle-mêle confus, où tantôt vainqueur, tantôt vaincu, chaque champion occupe tour à tour le dessus ou le dessous dans la lutte. Le succès, un instant balancé, couronne enfin les efforts de l’agresseur. Malgré ses vigoureuses ruades, malgré les coups de tenaille de ses mandibules, le Grillon est terrassé, étendu sur le dos.
Les dispositions du meurtrier sont bientôt prises. Il se met ventre à ventre avec son adversaire, mais en sens contraire, saisit avec les mandibules l’un ou l’autre des filets terminant l’abdomen du Grillon, et maîtrise avec les pattes de devant les efforts convulsifs des grosses cuisses postérieures. En même temps, ses pattes intermédiaires étreignent les flancs pantelants du vaincu, et ses pattes postérieures s’appuyant, comme deux leviers, sur la face, font largement bâiller l’articulation du cou. Le Sphex recourbe alors verticalement l’abdomen de manière à ne présenter aux mandi-