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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/275

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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

que cette coupeuse de racines, et puissante, et rustique, et de moule inférieur. Saisie à pleine main, elle lait lâcher prise, tant elle nous pioche l’épiderme avec les houes dentelées de ses pattes antérieures, imitées de celles de la Taupe.

Mis en rapport dans une étroite arène, Scorpion et Courtilière se regardent en face, semhlent se connaître. Y aurait-il parfois entre eux des rencontres ? C’est très douteux. La Courtilière est l’hôte des jardins, des terrains gras où l’hortolaille convoque la vermine souterraine ; le Scorpion est fidèle aux pentes calcinées où végètent péniblement de secs gramens. Du stérile au fécond, la rencontre n’est guère probable. Inconnus l’un à l’autre, ils voient néanmoins aussitôt la gravité du péril.

Sans excitation de ma part, le Scorpion court sus à la Courtilière, qui, de son côté, se met en posture d’attaque, les sécateurs prêts à l’éventrement. De ses ailes supérieures, frictionnées l’une contre l’autre, elle entonne une sorte de chant de guerre, bruissement sourd. Le Scorpion ne lui laisse pas achever le couplet ; vivement il travaille de la queue. Le thorax de la Courtilière porte une robuste cuirasse voûtée dans laquelle s’emboite l’échine. À l’arrière de cette armure impénétrable bâille un pli profond voilé d’une peau fine. C’est là que plonge le dard. Du coup, sans plus, le monstre est terrassé ; il s’écroule, comme foudroyé.

Suivent des gesticulations sans ordre. Les pattes fouisseuses sont paralysées ; elles ne saisissent plus de leurs pinces la paille que je leur présente ; les autres confusément se démènent, s’étirent, se replient ; les quatre palpes à gros pompons charnus s’assemblent en