Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/27

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Sans probité ni mœurs, un homme qu’autrefois
Je sauvai par pitié de la rigueur des lois,
Qui n’eut jamais de bien ni de ressource honnête,
Avant-hier vient à moi, me dit en tête-à-tête
Qu’une somme montant à deux cent mille écus,
Portée en un billet, en termes bien conçus,
Est due à lui parlant. La signature est vraie,
J’en suis sûr, et voilà, monsieur, ce qui m’effraye ;
La dette ne l’est pas : je vais vous le prouver.

ALCESTE.

Ô grand Dieu !…

L’AVOCAT.

Ô grand Dieu !…Cependant, je ne sais où trouver
L’homme trop confiant qui signa ce faux titre
Que je tiens en mes mains, sans en être l’arbitre.

ALCESTE.

Mais vous savez le nom de ce monsieur ?

L’AVOCAT.

Mais vous savez le nom de ce monsieur ? D’accord
J’ai demandé, cherché, couru partout d’abord :
On ne sait quel il est. Deux jours n’ont pu suffire ;
Et le fripon adroit refuse de m’instruire.
Jusqu’à ce qu’un éclat, finement ménagé,
Me tienne en un procès à sa cause engagé.

ALCESTE.

C’est un grand malheureux.

L’AVOCAT.

C’est un grand malheureux.Il se repent sans doute
De m’en avoir trop dit, et veut changer de route.

ALCESTE.

Le traître !

L’AVOCAT.

Le traître ! Écoutez-moi, monsieur ; vous allez voir
La parfaite évidence en un crime si noir.
Je dis crime à la lettre, et je n’en veux de preuve
Qu’un seul trait du fripon pour me mettre a l’épreuve.
Car, me voyant enfin quelque peu soupçonneux,
Après certains détails, et… même des aveux,
Pour se faire appuyer à poursuivre son homme,