Page:Fabre d’Envieu - Noms locaux tudesques, deutsche Ortsnamen, 1885.djvu/14

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Sans doute il a été toujours difficile à des Français de se reconnaître dans la géographie des Allemagnes. Mais nous ne croyons pas que les autres peuples s’y reconnaissent mieux que nous. Il est nécessaire de faire de grands efforts pour retenir ou même pour prononcer correctement tous ces noms barbares : la nomenclature géographique des contrées qui ont été assujéties par les tribus tudesques est, en effet, très

    étonnant que cette comparaison ait été toute à notre désavantage.

    On dira peut-être que, du moins, les officiers prussiens savaient mieux la géographie que les officiers français. Sur ce point nous reconnaissons volontiers qu’une partie de nos officiers s’était beaucoup plus occupée de l’Algérie, de l’Orient, de l’Italie, que de nos frontières de l’Est ; tandis que la Prusse n’a jamais cessé d’étudier pratiquement nos départements rhénans et tous les chemins qui conduisent à Paris. Leurs officiers arpentaient notre pays dans tous les sens ; un grand nombre de leurs soldats et de leurs sous-officiers avaient travaillé chez nous comme ouvriers, domestiques ou commis de magasins : évidemment, ils savaient la « géographie » des localités où ils avaient résidé. Les Prussiens avaient ainsi concentré leur attention sur nos frontières du Rhin, tandis que la pensée des officiers français était dispersée et comme disséminée sur tous les points de l’univers. Aussi, pendant que nous nous battions en Crimée ou que, traversant le mont Cenis, nous poussions jusqu’à Solférino, la Prusse, heureuse de nous voir dépenser si sottement notre sang et notre argent, put, à son aise, étudier nos frontières et préparer la surprise de Wissembourg. C’est de la même manière que, avant 1866, voyant les Autrichiens occupés en Italie, Bismarck et de Moltke étudiaient la Bohême, préparaient leur trahison contre la Confédération germanique et le guet-apens de Sadowa.

    Concluons de ces faits, tout simplement, que la France n’a pas fixé suffisamment ses regards sur l’ennemi héréditaire, sur ses manœuvres, sur sa politique. On comptait sur le libéralisme de la Prusse !! Tout le monde sait aujourd’hui très bien que nos désastres ne proviennent en aucune façon de notre ignorance de la géographie.