Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/258

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permis qu’aux natures les plus fortes et les plus fécondes[1] pour rendre leur existence, à elles, possible, les loisirs, les aventures, l’incrédulité, les débauches même, si cela était permis aux natures moyennes, les ferait périr nécessairement. »

Et il en est ainsi en effet. « L’activité, la règle, la modération, les « convictions » sont de mise, en un mot comme vertus de troupeau : avec elles cette espèce d’hommes, l’espèce des hommes moyens, atteint le genre de perfection qui lui est propre. »

Ce qu’il faudrait donc, c’est maintenir la morale pour ceux à qui elle est nécessaire, ne pas y assujettir ceux à qui et elle n’est pas nécessaire et elle est funeste et elle est mortelle, comme on maintient l’eau pour les poissons sans y assujettir les oiseaux. « Une doctrine et une religion de « l’amour », entrave de l’affirmation de soi ; une religion de la patience, de la résignation, de l’aide mutuelle en action et en paroles, peuvent être d’une valeur supérieure dans de pareilles couches, même aux yeux des dominants ; car elles répriment les sentiments de la rivalité, du ressentiment, de l’envie qui sont propres aux êtres mal doués ; elles divinisent pour eux, sous le nom d’idéal, d’humilité et d’obéissance, l’état d’esclavage, d’infériorité,

  1. Souligné par Nietzsche.