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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/86

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Voltaire

ment il a été poète dans chacun de ces genres différents.

Et c’est ainsi que dans ce premier chapitre nous étudierons le philosophe dans les ouvrages en prose de Voltaire, et dans le second le philosophe se servant du vers pour illustrer des idées philosophiques ; et ainsi de suite.

La philosophie de Voltaire se réduit tout entière à une idée négative : éliminer de la pensée de l’homme l’idée de l’intervention du surnaturel dans le monde. Les hommes ont cru de tout temps : 1° à Dieu ; 2° à l’intervention de Dieu dans les affaires de l’humanité. Ils ont raison de croire à Dieu, à Dieu rémunérateur des actes bons, et punisseur des actes mauvais au delà de la tombe, par conséquent à l’immortalité de l’âme, sans laquelle rémunération et punition seraient impossibles.

Mais leur croyance au surnaturel doit s’arrêter là. Ils ont tort de croire que Dieu agit en ce monde, soit par actes dérogeant aux lois naturelles (miracles), soit par influence sur nos âmes (grâce), soit par préceptes donnés par lui directement aux hommes (révélation). Il y a Dieu et il y a les hommes. Il n’y a pas de relations entre eux sur la terre. Après la mort seulement, l’homme tombe entre les mains de Dieu qui le traite selon ses mérites. Il ne faut pas dire : « L’homme s’agite, Dieu le mène. » Il faut dire : « L’homme agit, Dieu le juge. »

Cela fait deux parties de la philosophie de Voltaire : l’une affirmative, l’autre négative. Voyons successivement le détail de l’une et de l’autre.

Dieu est. L’idée en est venue à l’homme par le spectacle de l’univers :

« On a vu des effets étonnants de la nature, des moissons et des stérilités, des jours sereins et des tempêtes, des bienfaits et des fléaux, et on a senti un maître… Il y a quelque chose d’éternel, car rien n’est produit de rien… Tout ouvrage qui nous montre des moyens et une fin annonce