Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/155

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deviné ses projets. Jupiter lança avec force son rapide tonnerre qui fit retentir horriblement toute la terre, le ciel élevé, la mer, les flots de l’océan et les abîmes les plus profonds. Quand le roi des dieux se leva, le grand Olympe chancela sous ses pieds immortels (47) ; et la terre gémit. La sombre mer fut envahie à la fois par le tonnerre et par la foudre, par le feu que vomissait le monstre, par les tourbillons des vents enflammés et par les éclairs au loin resplendissans. Partout bouillonnaient la terre, le ciel et la mer ; sous le choc des célestes rivaux, les vastes flots se brisaient contre leurs rivages ; un irrésistible ébranlement secouait l’univers. Le dieu qui règne sur les morts des enfers, Pluton s’épouvanta (48), et les Titans, renfermés dans le Tartare autour de Saturne, frissonnèrent en écoutant ce bruit interminable et ce terrible combat. Enfin Jupiter, rassemblant toutes ses forces, s’arma de sa foudre, de ses éclairs et de son tonnerre étincelant, s’élança du haut de l’Olympe sur Typhoë, le frappa et réduisit en poudre les énormes têtes de ce monstre effrayant qui, vaincu par ses coups redoublés, tomba mutilé, et dans sa chute fit retentir la terre immense. La flamme s’échappait du corps de ce géant foudroyé dans les gorges d’un mont escarpé et couvert d’épaisses forêts. La vaste terre brûlait partout enveloppée d’une immense vapeur ; elle se consumait, comme l’étain échauffé par les soins des jeunes forgerons dans une fournaise à la large ouverture, ou comme le fer, le plus solide des métaux, dompté par le feu dévorant dans les profondeurs d’une montagne, lorsque Vulcain, sur la terre sacrée, le travaille de ses habiles mains : ainsi la terre fondait, embrasée par la flamme étincelante. Jupiter plongea avec douleur Typhoë dans le vaste Tartare.

De Typhoë (49) naquirent les humides Vents, excepté Notus, Borée et l’agile Zéphyre : Ces trois vents issus d’une divine race, prêtent un grand secours aux humains ; les autres, entièrement inutiles, agitent la mer, se précipitent sur ses sombres vagues et causent des maux nombreux aux mortels en excitant de violens orages. Tantôt, soufflant de tous les côtés, ils dispersent les navires et font périr les matelots : alors il ne reste plus d’espoir de salut aux infortunés qui les rencontrent sur la mer ; tantôt, déchaînés sur l’immensité de la terre fleurie, ils détruisent les brillans travaux des hommes nés de son sein en les couvrant d’une poussière épaisse et d’une paille aride.

(50) Quand les bienheureux immortels, après avoir courageusement combattu pour l’empire contre les Titans, eurent terminé cette guerre pénible, ils engagèrent, d’après les conseils de la Terre, Jupiter Olympien à la large vue, à saisir le pouvoir et à commander aux dieux. Jupiter leur distribua les honneurs avec équité. Ce roi des immortels choisit pour première épouse Métis (51), la plus sage de toutes les filles des dieux et des hommes. Mais lorsque Métis fut sur le point d’accoucher de Minerve, déesse aux yeux bleus, Jupiter, l’abusant par de flatteuses paroles, la renferma dans ses propres flancs, selon les conseils de la Terre et d’Uranus couronné d’étoiles, qui voulaient empêcher qu’au lieu de Jupiter, un autre des dieux immortels s’emparât de l’autorité souveraine ; car, suivant l’arrêt du destin, Métis devait lui donner des enfans fameux par leur sagesse : d’abord la vierge aux yeux bleus, Minerve Tritogénie, égale à son père en force et en prudence, puis un fils qui, rempli d’un superbe courage, deviendrait le roi des dieux et des mortels. Jupiter prévint un tel malheur en cachant Métis dans ses flancs, afin que cette déesse lui procurât la connaissance du bien et du mal.

Ensuite il épousa la brillante Thémis ; Thémis enfanta les Heures, Eunomie, Dicé, la florissante Irène, qui veillent sur les ouvrages des humains, et les Parques, comblées par Jupiter des plus rares honneurs, Clotho, Lachésis et Atropos, qui dispensent aux hommes et les biens et les maux. La fille de l’Océan, Eurynome, douée d’une beauté ravissante, conçut de Jupiter trois Grâces aux belles joues, Aglaia, Euphrosyne et l’aimable Thalie. L’amour, qui amollit les âmes, semble émaner de leurs paupières, et leurs yeux ont des regards pleins de charmes.

Cérès, cette nourrice du monde, laissa Jupiter entrer dans sa couche et engendra Proserpine aux bras d’albâtre, Proserpine que Pluton ravit à sa mère et que le prudent Jupiter lui permit de posséder.

Jupiter aima encore Mnémosyne à la belle chevelure, qui enfanta les neuf Muses aux bandelettes d’or, les Muses sensibles aux plaisirs des festins et aux douceurs du chant.