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FRAGMENS DE SAPPHO.




HYMNE À VÉNUS.

Immortelle Vénus, fille de Jupiter, toi qui sièges sur un trône brillant et qui sais habilement disposer les ruses de l’amour, je t’en conjure, n’accable point mon âme sous le poids des chagrins et de la douleur. Mais plutôt viens à ma prière comme tu vins autrefois, quittant le palais de ton père et descendant sur ton char doré. Tes charmans passereaux t’amenaient de l’Olympe à travers les airs qu’ils agitaient de leurs ailes rapides. Dès qu’ils furent arrivés, ô déesse ! tu me souris de ta bouche divine ; tu me demandas pourquoi je t’appelais ; quels tourmens ressentait mon cœur, en quels nouveaux désirs il s’égarait ; qui je voulais enchaîner dans les liens d’un nouvel amour : « Qui oserait te faire injure, ô Sappho ! S’il te fuit aujourd’hui, bientôt il te recherchera ; s’il refuse aujourd’hui tes dons, bientôt il t’en offrira lui-même ; s’il ne t’aime pas aujourd’hui, il t’aimera bientôt lors même que tu ne le voudrais plus. »

Ô, viens, viens donc aujourd’hui, déesse, me délivrer de mes cruels tourmens ! Rends-toi aux désirs de mon cœur ! Ne me refuse pas ton secours tout-puissant !

À UNE FEMME AIMÉE.

Il me paraît égal aux dieux celui qui, assis près de toi doucement, écoute tes ravissantes paroles et te voit lui sourire ; voilà ce qui me bouleverse jusqu’au fond de l’âme.

Sitôt que je te vois, la voix manque à mes lèvres, ma langue est enchaînée, une flamme subtile court dans toutes mes veines, les oreilles me tintent, une sueur froide m’inonde, tout mon corps frissonne, je deviens plus pâle que l’herbe flétrie, je demeure sans haleine, il semble que je suis près d’expirer.

Mais il faut tout oser puisque dans la nécessité…

ÉPITAPHE DU PÊCHEUR PÉLAGON.

Ménisque, père du pêcheur Pélagon, a fait placer sur le tombeau de son fils une nasse et une rame, monumens de sa vie dure et pénible.

ÉPITAPHE DE LA JEUNE TIMAS.

Les cendres de la charmante Timas reposent dans ce tombeau. Les Parques cruelles tranchèrent le fil de ses beaux jours avant que l’Hyménée eût allumé pour elle ses flambeaux. Toutes ses compagnes ont coupé courageusement sur sa tombe leur belle chevelure.

FRAGMENS.

I.

SUR LA ROSE.

Si Jupiter voulait donner une reine aux fleurs, la rose serait la reine de toutes les fleurs. Elle est l’ornement de la terre, la plus belle des plantes, l’œil des fleurs, l’émail des prairies, une beauté toujours suave et éclatante ; elle exhale l’amour, attire et fixe Vénus : toutes ses feuilles sont charmantes ; son bouton vermeil s’entr’ouvre avec une grâce infinie et sourit délicieusement aux zéphirs amoureux.

II.

Lorsque vous serez dans le tombeau, votre nom ne vous suivra point, il ne parviendra jamais à la postérité. Vous n’avez point cueilli des roses sur le mont Piérius : vous descendrez donc obscure, ignorée dans le sombre palais de Pluton ; on vous oubliera entièrement quand vous serez allée rejoindre les ombres.

III.

Viens dans nos repas délicieux, mère de l’Amour, viens remplir d’un nectar agréable nos coupes d’or ; que ta présence fasse naître la joie au milieu de tes convives et des miens.