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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/103

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mon chemin un chasseur en qui je reconnus maître Gorguet. Pour lui, il n’aurait pu me reconnaître sous ma casquette à pattes, si je ne m’étais présenté. Je lui demandai des nouvelles de Maurice. Il était installé à Paris et se portait bien. Maître Gorguet m’expliqua que, de Beaune, il venait de temps à autre chez sa fille, Mme Lorimier. Aussi chassait-il par ici. Mme Lorimier restait à la maison de campagne de Saint-Jean-de-Losne, le séjour au grand air étant indispensable à son petit garçon, mais elle se rendait parfois à son ancienne demeure, qui était ce pavillon de la briqueterie. Elle s’y trouvait précisément et il allait rentrer avec elle.

Une calèche attendait dans la cour sablée. Je vis Mme Lorimier descendre du perron et s’avancer vers son père. Je m’inclinai, retirant ma casquette à pattes. Elle me tendit la main avec un gracieux sourire que je ne lui avais pas vu encore ! Ah ! ce sourire dans cette belle figure blanche !

— Venez donc nous voir, me dit maître Gorguet.

Je promis. Mme Lorimier conduisait la calèche. Elle me salua, caressa du fouet le cheval qui partit au petit trot.

Je ne chassai pas plus longtemps, Mme Lorimier hantant ma pensée. Les jours suivants, je revins rôder du côté de la briqueterie, quoique le gibier n’y abondât pas. Je revis la calèche, mais non sa conductrice, que j’attendis de longues heures à l’abri d’un boqueteau.

Pourquoi Mme Lorimier me préoccupait-elle à ce point ? Si bien faite qu’elle fût, je ne connaissais d’elle que son beau visage pâle. Cependant elle avivait singulièrement mes sens, et la pauvre Agathe en recueillit à son insu maint témoignage. Même dans mon lit, et tout repu que je fusse, je m’agitais comme un affamé d’amour.

Je ne la rencontrais pas sur le chemin de la briqueterie, mais il était écrit que je la reverrais à un endroit où je ne l’attendais guère : à nos ateliers, chez nous ! Quel ne fut pas mon étonnement, un matin, de voir la calèche s’arrêter devant notre porte et Mme Lorimier en descendre, d’ailleurs non moins étonnée que moi. Elle s’était si peu intéressée à l’ami de son frère qu’elle ignorait qui j’étais, et qu’en venant voir M. Fargèze, aux chantiers à bateaux,