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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/132

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CHAPITRE NEUVIÈME

Mois d’ennui à Saint-Brice. Je tire au sort.
Je pars pour Paris. Fifine et Lolotte.

Le voyage à Paris devait m’être fatal. C’en fut fait de ma résignation à demeurer dans ce trou de Bourgogne, qu’avait ainsi qualifié le gabelou Maillefeu. Non ! Non ! Je ne subirais pas à perpétuité cette existence d’écureuil en cage. Paris ! Je ne voulais pas plus entendre parler de Dijon que de Saint-Brice. Paris ! Paris ! Cent fois par jour je disais mon intention d’y aller vivre. Je la criais à ma mère qui en gémissait. Mon père, à qui je l’exprimais plus discrètement, me répliquait que si ces messieurs de la Compagnie des Quatre Canaux lui demandaient de retourner à Paris, il leur ferait bien sa révérence. Je devins insupportable à tout le monde. Morizot ayant plaisanté les airs de mirliflore que je prenais, disait-il, depuis que je m’étais promené cinq minutes sur le boulevard, je me fâchai, m’emportai, quittai l’auberge Lureau en jurant de n’y plus remettre les pieds. J’y revins dès le lendemain, et Morizot, que j’embrassai, en fut si heureux qu’il se soûla jusqu’à rouler sous la table.

Comment n’y serais-je pas revenu, à cette familière auberge, alors qu’elle était mon unique dérivatif à l’ennui ? Quatre ou cinq fois par jour j’en passais le seuil. Les semaines, les mois, s’étiraient ainsi. J’avais renoncé à ces périodiques escapades à Dijon auxquelles Morizot demeurait fidèle. Il ne m’eût pas été désagréable d’y retrouver