Aller au contenu

Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132

précise de surnumérariat, avec rétribution rapide. Mon affaire était sûre, lui disais-je, s’il consentait à forcer la note. Il y consentit, répondit si exactement à mes vues que mon père ne put rien objecter. La correspondance entre Maillefeu et moi se poursuivit, l’excellent garçon faisant diligence auprès de ses chefs pour que je fusse pourvu d’un surnumérariat à titre précaire, ce qui était un expédient courant dans l’administration. Il eut rapidement gain de cause et je pus serrer de près la question de mon départ.

Ma mère en larmes, mon père conciliant, se résignaient à me laisser partir pour Paris. Il convient de noter que nos chantiers étaient en plein chômage, les affaires subissant partout un marasme dont on n’entrevoyait pas le terme. Nous avions dû débaucher la moitié de nos ouvriers. Mon absence ne créerait donc aucun embarras à mon père, qui se disait qu’à Paris je pourrais enfin m’orienter vers une situation sérieuse. En attendant, et durant tout mon stage de surnuméraire à l’octroi, il m’assurerait une mensualité de quatre-vingt-dix francs. Il ne m’en fallait pas plus. Le temps de préparer ma malle et je quitterais Saint-Brice. À Paris, je descendrais « Aux Amis de la Marine », où Buizard me réservait une chambre et la pension.

Je vécus la bonne moitié de ces derniers jours à la table de l’auberge ou dans le lit d’Agathe. Inconsolable, ma bonne amie pleurait sans trêve, me faisant promettre de ne pas l’oublier. Et le lundi 8 juin 1857, dans l’après-midi, je fus accompagné par mon père, ma mère et Morizot, à la voiture qui allait me conduire à Auxonne. J’y trouverais le train pour Dijon, où j’attendrais près de trois heures celui de la ligne centrale. À six heures du matin je frapperais de mes talons le pavé de Paris.

Nul incident ne marqua la première partie de mon voyage. Dès que je fus dans le train, je me sentis tout dégagé. Le nez à l’étroite fenêtre, je sifflais les plus joyeux airs de mon répertoire. Il faisait grand jour encore, à sept heures et demie, quand j’arrivai à Dijon. Tenant mon sac de nuit, je me préparais à m’asseoir dans un coin pour y casser la croûte, quand j’entendis l’appel d’une voix de