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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/163

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dis à Titi que j’étais très pressé et il descendit avec moi, tout en m’expliquant l’objet de sa visite. La lettre que je lui avais adressée était, me dit-il, d’une si belle écriture qu’il avait pensé à moi pour des copies de manuscrits. Il en faisait pour le compte de Marchant, l’éditeur du Magasin Théâtral, boulevard Saint-Martin, qui lui en passait de quoi occuper plusieurs copistes. Je fus surpris de cette proposition nouvelle, d’autant plus intéressante qu’elle me relevait à mes propres yeux, et je lui fis promesse d’en venir causer avec lui dans l’après-midi, chez lui-même, comme il m’en priait. Ce petit bossu, en vérité, avait pas mal de cordes à son arc.

Il logeait au sixième étage d’une maison de la rue de l’Échiquier, sous les toits. Un coup de sonnette et il m’ouvrit, me précéda dans un couloir sombre, puis me dirigea vers une pièce très claire, d’un aménagement bourgeois, où je vis, assise à une table, une jeune femme penchée sur des écritures.

— Ma sœur, fit-il.

Elle se leva. « Bonzour, monsieur. » Elle zézayait. Elle était grande, brune de cheveux et de peau, son visage aux yeux très doux se dessinant en beaux traits à la grecque. Je ressentis un peu de gêne, qu’elle dissipa en m’avançant une chaise.

— Ze vous fais compliment. Vous êtes un calligraphe, me dit-elle, en me montrant, fignolée avec cette virtuosité de main qui m’avait valu déjà tant d’éloges flatteurs, la lettre que j’avais écrite à son frère.

Et comme je m’inclinais, Titi intervint, étalant une pile de manuscrits, vaudevilles, comédies, drames, qui représentaient les copies sur le chantier.

— Ma sœur vous expliquera. C’est assez bien payé et nous en avons toujours plus que nous n’en pouvons faire. Excusez-moi, car il faut que je m’en aille. Au revoir.

Il fila, disparut dans le couloir et je l’entendis sortir. Je restais là tout benêt, ne sachant que dire, mais elle vint à mon secours, me priant de tracer sur une feuille blanche des mots quelconques, en anglaise courante. J’écrivis mon