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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/164

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nom, mon adresse, la date du jour et le chiffre de l’année. Accoudée, elle suivait les zigzags de la plume.

— Ze vous remercie. C’est tout à fait l’écriture qu’il faut pour les copies. Ça vous ira-t-il d’essayer ? À deux sous la paze on se fait facilement vingt francs par semaine. Vous travaillerez cez vous, bien entendu.

— Je ne demande pas mieux, dis-je. Et mes regards croisèrent les siens. Elle souriait.

— Vous êtes un bel homme, fit-elle, ce qui me rappela l’exclamation de Sidonie.

Nous nous regardions directement. Je ne savais comment engager la conversation avec cette femme qui m’était inconnue. Très dégrafée à cette heure chaude, elle ne cachait rien d’une gorge généreuse qui prenait l’air avec nonchalance. Le propos du régisseur de la Porte-Saint-Martin me revenait à l’esprit : « Inutile de te demander si tu as baisé sa sœur. » Sans répondre à ce que je devais tenir pour des avances, je lui déclarai qu’elle pouvait compter sur moi.

— Voulez-vous que je revienne demain, à la même heure ?

— Ze suis touzours là dans l’après-midi.

Elle paraissait déçue de cette retraite, mais déjà j’étais à la porte.

— À demain, me dit-elle. Au revoir, cer monsieur.

Si je fus exact, on le devine. « Inutile de te demander si tu as baisé sa sœur », m’étais-je répété cent fois, en concluant qu’à tout prendre elle valait bien l’expérience. Elle m’ouvrit. Je lus dans ses yeux qu’elle était seule. Elle me fit entrer, non dans la pièce aux manuscrits, mais dans une chambre à coucher, la sienne. Et, sans le moindre préambule, elle m’attira contre elle et ses bras me coincèrent dans l’évasement de ses seins.

— Ze m’appelle Anaïs, gloussa-t-elle, en s’asseyant sur son lit.

Je ne m’attendais pas à si brusque assaut, et je vérifiais qu’en effet il était bien inutile de me demander si j’avais baisé la sœur de Titi, puisque cela s’avérait si facile. Elle était à poil sous une robe de chambre qui s’ouvrit toute