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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/186

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livraisons de matériel. Assez tard, il s’en alla. Rieuse et butée, Louisette trottinait dans la salle. Un mince cotillon de toile à fleurs calquait son petit fessier. Je lui en fis la remarque et elle en rit, me révélant que sa jolie bouche était meublée de dents bien laides. Je restai jusqu’au couvre-feu de minuit, fis ensuite une promenade à travers les rues endormies déjà, où quelques rares lumières veillaient aux fenêtres. Je songeais que ma dernière approche de Jeanine remontait à plus d’un mois. Tout entier au travail, j’avais subi paisiblement cette carence, mais il suffisait que j’en eusse conscience pour qu’elle me devînt irritante. Agathe mariée, je devais me pourvoir ailleurs. Me faudrait-il chercher à Beaune ou à Dijon des expédients de fortune ? J’organisais cette affaire dans mon esprit quand Louisette, qui se rendait à la remise en s’éclairant d’une lanterne, passa tout contre moi. Je l’arrêtai, l’embrassai, ce qui la fit, en riant, se cabrer pour une feinte défense, et comme je l’embrassais encore elle me demanda de la laisser, disant dans un bâillement qu’elle avait sommeil. Je la suivis de l’œil jusqu’à ce qu’elle eût pénétré dans cette remise où un lit de sangle avait été dressé pour elle. La porte refermée, presque aussitôt elle la rouvrit, passant la tête. Je me tenais dans l’ombre, mais elle avait la vue fine. « Bonne nuit ! » me jeta-t-elle. Et de rire. Elle s’éclipsa et j’entendis le mécanisme d’une targette. Pouvais-je hésiter ? Venant à la porte, de mes deux mains j’écartai les battants, arrachant sans bruit la ferrure. J’entrai. Elle riait toujours, ce qui me rassura sur les suites de ce coup de force. Je pris alors et caressai ce menu corps, pubère à peine, et le lit de sangle nous reçut, si étroit fût-il, si peu à ma mesure. Elle n’en était pas à son coup d’essai, la Louisette. Elle avait été dépucelée à quatorze ans, me raconta-t-elle, par un berger de moutons que, gardeuse d’oies, elle rencontrait au pâturage. Bien sûr elle avait eu, depuis, plus d’un amant, le conducteur des ponts-et-chaussées devant, dans ma pensée, être l’un des derniers en date. Cependant aucun d’eux ne lui avait enseigné la propreté, et ce fut moi qui dus prendre ce soin, un baquet d’eau gisant là. Je crois qu’elle avait