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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/206

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Mais tout cela m’expliquait-il l’érotique frénésie qu’elle fit délirer sur moi ? Désirs incompréhensibles, charnalité dévorante, embrasement véritablement infernal…

Quoi qu’il en soit, son agissante curiosité de toutes les caresses eut sur moi cet effet heureux, qu’elle me guérit d’Anaïs. Je vis de moins en moins la sœur de Titi, et je finis par ne plus la voir du tout.

Le revers de la médaille, c’était la furieuse jalousie d’Hortense. Lui demandais-je, moi, si elle continuait d’être assidue aux séances musicales de son cousin d’Horchiac ? Entre nous, le bavardage d’un garçon de chambre de la rue Saint-Jacques m’avait renseigné. La belle dame ne venait plus aussi souvent chez le joueur d’orgue, une fois dans la semaine, peut-être. Elle y venait, en tout cas, et j’aurais pu le lui reprocher, si j’avais été d’humeur jalouse. Pour elle, dès le début elle s’inquiéta de savoir si la personne en caraco qu’elle avait vue sortir de chez moi y était revenue. Je la rassurai, reniant lâchement Jeanine : elle n’y était pas revenue, et n’y reviendrait pas. Pauvre chère Jeanine qui, elle, m’aimait et se donnait sans en demander plus, sans s’autoriser de cela pour exiger de moi le serment de lui être fidèle !

— Je vous connais, beau masque ! me disait Hortense en me menaçant du doigt. J’entends que vous soyez à moi sans partage. Prenez garde !

Un après-midi, comme, inquisitoriale, elle tournait, furetait dans ma chambre, elle jeta un cri : une jarretière, une vulgaire jarretière de coton, se cachait sous des papiers, sur ma table. Cet oubli de Jeanine allait me coûter cher. Ce fut la crise nerveuse, d’abord. Mais j’en savais à présent le remède, que je détenais et dont je vérifiai l’infaillibilité. Puis ce fut son enquête, obsédante, policière, tendant à découvrir l’identité de la « personne en caraco ». Jeanine, à ce moment-là, se voyait obligée de déployer mille ruses pour accourir chez moi, Pauline Maillefeu, sa belle-sœur, s’étant embusquée plusieurs fois sur sa route. Je craignais qu’elle ne changeât ses jours et ses heures de visite sans m’en avertir, ce qui eût risqué de la faire se rencontrer avec Hortense. J’en étais très ennuyé, mais il arriva pis. Je