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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/21

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atténuantes. Le proviseur, qui ne me gardait pas rancune, avait argué de mon récent état maladif. Bien que j’eusse collectionné les barbarismes dans ma version latine, où tous les pièges à loups se trouvaient rassemblés avec un art féroce, je fus admis aux épreuves orales. Je répondis assez lucidement aux questions qui me furent posées sur la littérature, l’histoire, les sciences naturelles, et cela dut me valoir une boule blanche. Par malheur, une boule noire vint faire contrepoids, car je pataugeai dans l’explication d’un passage de la Vie d’Alexandre et des Discours tirés de Salluste. Et voilà ! Je ratais mon bachot. C’était à recommencer. Ce serait pour la seconde session, ou pour la suivante…

Eh bien non ! Je ne recommencerais pas. Revenir au bahut après les vacances ? Non, non, et non ! D’ailleurs, je n’eus pas à plaider ma cause avec cette véhémence. Loin de se montrer sévère, mon bon père me plaisanta : « Tu n’es pas bachelier ? Moi non plus. La belle affaire ! » Je me mis à sa disposition, et à la grande joie de ma mère il décida que je serais son teneur de livres. D’abord je prendrais mes vacances, jour pour jour. Et puis, octobre venu, au lieu de regagner le lycée, je me rendrais aux chantiers, gentiment, modestement. J’étais heureux. J’avais l’impression de posséder l’air et l’espace. Mes seize ans de puceau faisaient risette à l’avenir.