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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/22

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CHAPITRE DEUXIÈME

Mes vacances. Je m’ennuie.
Rencontre d’Hubertine. Le bal des mariniers.
L’amoureuse morsure.

On me fit faire deux vêtements, l’un de gros drap bleu, pour tout aller, l’autre de fin drap noir, pour le dimanche. Je me réacclimatai rapidement. Le vieux curé venait de trépasser. Cela me priva d’une joie. Je m’étais promis de lui infliger l’impertinence d’une rupture. J’affectais un irrespect des choses religieuses qui choqua ma mère, mais dont mon père s’égaya. Honteux, presque, de ma piété passée, j’en gardais rancune aux prêtres, peut-être parce qu’au fond de moi la peur des châtiments chrétiens survivait à la foi. Je ne remis pas les pieds à l’église. Je stationnais devant le porche, ironique. Et je ricanais aux dévotes. Puérile manifestation de demi-libéré.

Mes vacances furent mornes. Le désœuvrement me pesa bientôt. Je tuais le temps en faisant de somnolentes parties de cartes à l’auberge Lureau. La pêche ne m’attirait pas. Mon père m’ayant offert une carabine, je massacrai quelques alouettes, abattis deux corbeaux, des geais, un martin-pêcheur. Puis je laissai là mon arme. On me prêta des romans. Je bâillai sur Eugène Sue et sur Paul de Kock. Dumas seul m’amusa, dont la gloire était aux nues. Enfin, je rimai des stances lamartiniennes, des scènes de tragédies, des églogues, des vers de toutes mesures, qui me délassèrent un peu de mon ennui. Car je m’ennuyais au long de