Aller au contenu

Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261

à la nourrir de vices dont il serait seul à connaître la saveur. J’étais bouleversé quand je me dépris de sa caresse insistante. Je ne la quittai qu’après lui avoir fait promettre de revenir souvent au même endroit. Elle n’était pas mécontente de moi, je pense, l’agitation de ses sens ayant répondu à la griserie des miens.

Et cela se renouvela, cela dura. Nos amours nous devinrent habitude. Ni Siméonne, ni mes amis n’en purent soupçonner rien, tant nous fûmes adroits à tromper tout le monde. Que de fois nous revit notre inviolable cachette de Montmartre ! Seule nous séparait, une semaine sur quatre, la présence de l’amant arrivant d’Alençon.

Je profitais de ces trêves pour faire une politesse à l’une ou l’autre de nos nymphes quotidiennes, Siméonne par exemple, à quoi voulait bien consentir Pierrette, qui payait ainsi sa sécurité. J’avais cependant d’autres extra de diversion, Montmartre m’en fournissant plus encore que le Quartier. Certes, la quarantaine sonnée m’incitait à choisir, mais si je disciplinais ma fantaisie, je lâchais la bride au flaireur faisant confiance à l’aubaine, curieux toujours de ce qui se passait sous d’autres jupons. La femme que je venais de quitter, quel admirable édifice, tout entier construit pour l’amour ! Cependant une jolie maigre venant de passer, rien ne me semblait plus désirable qu’une flânerie d’un moment sur l’étroit sentier de ses hanches. Et je voulais la brune après la blonde, et je voulais aussi la rousse. Je voulais la grande après la petite, la sévère madame après la rieuse gamine. Je voulais ceci, cela, cela encore, nulle chimère ne dirigeant cette perpétuelle poursuite. Je savais et je vérifiais que la nature multiplie à l’infini les modulations du plaisir.

Si, prudent, je tenais à l’écart les professionnelles de la Reine Blanche et de l’Élysée-Montmartre, ex-Ermitage, empressées à recevoir mes services, fréquentes étaient les bonnes fortunes que ça et là je m’amusais à cueillir. Même, les plus humbles conquêtes me valurent de saisissantes surprises, maintes et maintes fois. Oublierai-je la jeune bouchère de la rue Lepic, effrénée valseuse, et qui me laissa l’entraîner, pourpre de confusion, dans la chambre