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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/267

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des sergots. Mais je les abandonnai quand ils émigrèrent du côté de la place Saint-Michel. Ils étaient devenus multitude, envahis par les raseurs.

Au d’Harcourt, j’avais trois amis d’élection, Béryl, qui tenait un cabinet d’assurances, le chimiste Mérinval, exerçant dans une grande maison de produits pharmaceutiques, Albert Lautré, chroniqueur écouté du Journal des Modes, où il signait « comtesse de la Popeline ». Lautré venait en compagnie de femmes, jolies toujours, qu’il recrutait chez les modistes, mais que rarement on voyait deux fois. Il y en avait pour tout le monde. Il habitait, rue Gay-Lussac, un petit appartement où nous allions tous, et nous y faisions l’amour jusque dans la cuisine, ces demoiselles de modes ne disposant pas de la nuit. Nous n’en vivions pas moins en bonne camaraderie avec les notabilités femelles du d’Harcourt, et personnellement je recevais d’elles les témoignages de confiance qui étaient dus à ma longue expérience du Quartier.

Je fus quinze jours auprès de mon père au cours de l’été de 79. Il reprenait goût à la vie, mais ses chantiers le fatiguaient. Il avait résolu de tout vendre, des offres lui étant faites par les ponts-et-chaussées, qui se proposaient de créer un entrepôt et des ateliers de réparations. Il garderait seulement notre maison d’habitation, dont pour rien au monde il n’eût voulu se séparer. Je l’encourageai dans ce projet, que peu après il réalisa. Il avait à son service une belle veuve, Mme Henrion, que je connaissais du vivant de ma mère. Mme Henrion, dont le mari avait travaillé sur nos chantiers, passait pour être au mieux avec mon père, qui n’était pas insensible à de fermes appas. Durant ce séjour à Saint-Brice, j’appris la mort prématurée de Morizot, Morizot. L’ombre d’un souvenir à l’horizon de ma jeunesse. Et je sus aussi que Mme Lorimier, qui était devenue Mme Cadot, épouse d’un huissier, était décédée à Beaune trois mois auparavant, le sein rongé par un cancer.

Autre nouvelle : Louisette était partie avec un amoureux. Son mari avait vendu le fonds du café. Il gérait ses propriétés sans plus se faire de bile.